La "révolution numérique" a littéralement étendu notre accès à la connaissance. Serait-ce au prix d'une marchandisation des "biens" culturels ? Comment le numérique peut-il constituer une opportunité pour renouveler notre rapport aux oeuves humaines ?
Avec les supports électroniques de mémoire, les hypertextes et les systèmes de recommandation, l’accès à la connaissance se transforme, ce qui induit des changements majeurs dans le secteur de la culture. Cela offre des opportunités nouvelles à une très large partie de la population qui en bénéficie pour se familiariser avec les œuvres disponibles à tout instant et à bas coût, pour se les approprier, voire pour en produire de nouvelles et pour les diffuser, sans passer par les intermédiaires traditionnels, comme les éditeurs, les réseaux de distributions ou les libraires.
Si cela peut avoir des aspects positifs, certains craignent, à juste titre, que cette offre pléthorique s’inscrive dans une perspective libérale et mercantile qui réduit les œuvres à des produits commerciaux comme les autres, et qui, par là, conduit à une dégradation du statut de la culture qu’il faut certainement combattre. En même temps, le numérique et l’intelligence artificielle encouragent de nouvelles approches des œuvres humaines par les disciplines d’érudition traditionnelles, avec par exemple la lecture distante, l’étude de l’intertextualité sur de grandes masses de textes ou le renouveau de la stylistique fondé sur l’étude des motifs syntaxiques. Nous ferons un état des nouveaux modes d’accès à la culture, en évoquant en particulier les questions posées par les systèmes de recommandation, avant de nous centrer sur le renouveau des sciences de la culture qui correspond à ce que l’on appelle, depuis le début du millénaire, les « humanités numériques ».
Nous nous centrerons tout particulièrement sur le versant littéraire des « humanités numériques » qui fait l’objet de travaux poursuivis depuis une dizaine d’années dans mon équipe, à Sorbonne Université, en collaboration avec les équipes de littérature. Enfin, nous conclurons sur le renouveau de l’humanisme à l’heure du numérique qu’ouvrent ces nouvelles techniques.
Jean-Gabriel Ganascia est professeur d’informatique à la faculté des sciences de Sorbonne Université (SU), membre senior de l’Institut Universitaire de France, EurAI (European Association for Artificial Intelligence) fellow et président du COMETS (comité d’éthique du CNRS). Il poursuit ses recherches sur l’intelligence artificielle au LIP6 (Laboratoire d’Informatique de l’université Paris 6). Ses activités de recherche portent actuellement sur l’apprentissage machine, sur la fusion symbolique de données, sur l’éthique computationnelle, sur l’éthique des ordinateurs et sur le versant littéraire des humanités numériques.
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